par PuyduFou29 » 08 Mai 2012, 22:27
Voilà l'article sur Philippe de Villiers :
Entretien avec Philippe de Villiers
Les secrets de l’homme du Puy du Fou
Philippe de Villiers, fondateur et scénariste du Puy du Fou, révèle ses ressorts secrets. Pour la première fois depuis son départ du Conseil Général, l’ancien président de la Vendée prend la parole. Il dévoile au passage le contexte de sa démission. Parce que c’est l’homme du Puy du Fou que les Vendéens étaient venus chercher et que c’est au Puy du Fou qu’il s’en est retourné. Pour peaufiner son œuvre.
(V) Quelles ont été les motivations profondes de la création du Puy du Fou ?
(PdV) Dans l’aventure du Puy du Fou on retrouve deux urgences intimes. La première se traduit par un hymne à la Vendée. La seconde, par un hymne à la France. Le premier est la Cinéscénie. Le second est le Grand Parc. Quand j’étais enfant, je ressentais le mépris dans lequel étaient tenus la Vendée et les Vendéens par les personnalités officielles. On nous appelait les ventres à choux. Nous étions une sortes de Zambie* de l’Hexagone. La DATAR (Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale) nous qualifiait de « ruraux profonds ». La Vendée était tout juste un appendice des Deux-Sèvres. Personne n’était capable de la situer sur une carte de France. Plus grave encore, la Vendée portait une tâche de honte au front : le soulèvement de 1793, contre la « grande libération révolutionnaire ». La Vendée était un non-territoire qui avoir choisi le mauvais coté de l’Histoire. Je suis arrivé au Puy du Fou en 4L, Avec une idée en tête : réparer l’injustice, relever le drapeau, redonner à la Vendée l’image d’une terre de résistance et de liberté. Je voulais faire en sorte que les Vendéens de 1793 et les Poilus de 1914 ne soient pas morts pour rien.
(V)Pensez-vous y être parvenu ?
(PdV) Aujourd’hui, tous les Français connaissent la Vendée. Et au-delà, l’acte du Puy du Fou s’est prolongé à travers le Vendée Globe, qui fait flotter le double cœur à travers tous les océans. Puis est venu Alexandre Soljenitsyne, le grand résistant au totalitarisme communiste, qui a achevé de faire connaitre la Vendée au Monde. J’ai réveillé le Puy du Fou, qui dormait depuis deux siècles. Le Puy du Fou à réveillé la Vendée, en réunissant les deux bouts de la chaîne : la tradition et la modernité.
(V) Un lieu improbable, une trame historique, une œuvre poétique et artistique, n’avez-vous pas choisi de fonder le projet du Puy du Fou sur une somme de handicaps ?
(PdV) Le Puy du Fou ne chercher pas à donner aux gens ce qu’ils aiment. Il leur propose ce qu’ils pourraient aimer. On nous dit qu’ils aiment les manèges et les technologies de futur. Nous, on fait un parc qui est un livre d’histoire à ciel ouvert. On dit que les gens n’aiment pas le verbe, le Puy du Fou, c’est la musique des mots. On dit que les gens n’aiment pas le classique, le Puy du Fou, c’est une symphonie. En réalité, les gens préfèrent entendre battre leur cœur que de sentir remuer leurs tripes. Ils préfèrent l’émotion à la sensation. Nous sommes à contre-courant mais je me souviens d’une citation de Richelieu : « Il faut gagner la rive comme les rameurs, en lui tournant le dos. » Je veux souligner une chose capitale. Le succès économique du Puy du Fou est là. Mais ce n’était pas le but. C’est une conséquence. Lorsque notre trio créatif se réunit – Laurent Albert, Nicolas de Villiers et moi – et toutes nos équipes, nous cherchons à faire du beau. Nous ne cherchons pas ce qui sera un succès. Ce n’est pas par hasard si notre structure repose sur un fondement associatif, à but non lucratif. Le Puy du Fou entend conserver son indépendance éditoriale. C’est pourquoi nous ne recevons aucune subvention et qu’il n’y a aucun actionnaire extérieur. Nous ne distriburons aucun dividende. Quant au fondateur scénariste, que je suis depuis 35 ans, il reverse tous les droits d’auteur au Puy du Fou. Je suis sans doute le bureau d’étude le moins cher au monde, puisque je travaille gratuitement. Ma récompense, ce sont les larmes de nos visiteurs. Et c’est une récompense quotidienne.
(V) Vous avez commencé par le Puy du Fou. Comment est arrivée la politique ?
(PdV) La culture précède l’économie et la politique. C’est la valeur qui crée la valeur ajoutée. En 1998, je disais aux chefs d’entreprise de Vendée : quand un pays retrouve sa fierté, il devient créateur. J’ai voulu redonner aux Vendéens leur fierté. Aujourd’hui, elle porte des fruits bien au-delà de la culture retrouvée et de ses racines.
(V) Pensez-vous en avoir reçu de la reconnaissance ?
(PdV) Ceux qui occupent le pouvoir aujourd’hui, les tontons macoutes de l’ère Trivalis, la machette à la main, sont revenus à la case départ. Pour moderniser la Vendée, ils cherchent à la banaliser. C’est la normalisation numérique. Ils pensent que la tâche d’un élu, c’est de faire un tri sélectif. Dans le même temps, je suis inondé de courriers de la population vendéenne, la base, avec des lettres de certains qui me tirent la larme. Tous disent la même chose : « Vous nous avez rendu notre fierté. Nous n’avons pas honte d’être Vendéens, nous en sommes fiers. » L’Histoire assumée de la Vendée a projeté en avant les créateurs et les entreprises en nourrissant le feu des enthousiasmes et des audaces. C’est quand on se réconcilie avec soi-même que l’on grandit. La Vendée s’est habituée à vivre avec de grands projets. Elle ne veut plus jouer en Ligue 2.
(V) Est-ce toujours vrai ?
(PdV) J’ai crée le Puy du Fou quand j’étais étudiant. Puis la Vendée m’a appelé pour présider à sa destinée. J’ai dirigé la Vendée comme un entrepreneur, avec des objectifs. Ce furent les Vendéopôles, le Vendéespace, les cédéthèques, le désenclavement… Ce fut aussi l’idée de donner à la Vendée l’image d’un département à évènement. A un moment, j’ai senti derrière moi l’haleine des impatiences, des trahisons et des ambitions : l’intrigue. Alors, je suis parti. Je suis reparti vers l’œuvre de ma vie, pour faire du Puy du Fou le numéro un mondial. L’objectif a été atteint plus vite que prévu. Il s’agit maintenant d’aller plus loin et d’installer le Puy du Fou comme une référence, un modèle à l’épreuve du temps, en conservant l’esprit fondateur mais, surtout, en préservant son âme.
(V) Les Vendéens se posent encore la question : êtes-vous guéri de votre cancer ?
(PdV) Je suis guéri. J’ai eu un mélanome de la choroïde à m’œil gauche. J’ai été merveilleusement bien soigné à l’Institut Curie, à Paris. J’ai traversé le cancer au galop. Je suis à nouveau sur la rive des biens-portants. Beaucoup de Vendéens qui s’inquiètent de ma santé ont cru que c’était la raison de mon départ du Conseil Général. Il est temps pour moi de dire la vérité. J’ai été poussé dehors par mon numéro deux qui a mis à profit mes épreuves et donc mon décrochage psychologique pour m’éliminer. C’est la raison pour laquelle mon nom est désormais interdit de séjour dans les sphères officielles. Je ne reçois plus aucune invitation du département, alors même que je demeure parlementaire européen. Le fantôme est pourtant là, bien vivant. On s’acharne sur mes amis, comme Dominique Suchet, l’homme qui a fait venir Alexandre Soljenitsyne en Vendée. Après Dominique Souchet, ce sera le tour de Véronique Besse. Etc … Mais il sera bien difficile d’éliminer le Puy du Fou. Car le Puy du Fou ne cessera de grandir dans les années qui viennent comme le fleuron symbolique de la Vendée. Faites le test. Allez à Strasbourg, à Biarritz, à Amsterdam, à Milan. Si vous prononcez le mot de Vendée, on vous dira immédiatement : « Ah oui, le Puy du Fou ! » Je dois tout à mon père et à ma mère. J’ai vécu une enfance heureuse en Vendée. Je ne fait que payer ma dette. Ma vie politique n’est qu’un acte de piété filiale.
*La Zembie est un pays d’Afrique australe, issue de la Rhodésie du Nord, à fort caractère rural.
Propos recueillis par Ludovic Robet pour « le Vendéen »