Romain64 a écrit : je trouve même étonnant qu'un événement qui s'est déroulé il y a plus de 220 ans soit encore si brûlant.
Arghhhhhhhh, j'avais dis que je m'arrêtais là, mais si on me tente....
Allez, je vais essayer de faire court (j'ai dit "essayer") et simple. Il se trouve que cet évènement (mais on devrait d'ailleurs plutôt parler de ceS évènementS) ont eu lieu pendant la Révolution Française, le berceau de notre République. Le fait de présenter ça comme une CONTRE-Révolution a donc valu aux vendéens d'être également présentés (de manière très organisée et politique) pendant près de 200 ans comme des CONTRE-Républicains et donc des CONTRE-Français. Du genre "Bouhhhhhhhhhhhhh les vilains, ils ont rien compris !!!!!"
Et quand on vous colle ce genre d'étiquette y compris au plus au niveau de l'Etat pendant autant de temps, ça n'aide pas à évoluer, à grandir, à faire son deuil, etc.
Pendant près de 200 ans, ce genre d'attitude a généré nombre de réactions extrêmes qui pourraient se résumer chez les pro-vendéens comme un combat des gentils cathos royalistes contre des gros gros méchants républicains. Et du côté républicain, et aussi de la ligne officielle dont on doit une grande part à l'Histoire officielle de Jules Michelet (on rappellera tout de même que c'est une commande de l'Etat) qui inspire encore quelques manuels scolaires, c'est un combat d'arriérés fanatisés par les curés et menés par des nobles qui ont perdu leurs privilèges face au renouveau promu par les défenseurs des Droits de l'Homme. Avec ça on avance
(Je recommande la lecture de l'ouvrage dirigé par Jacques Hussenet "La Guerre de Vendée, combien de morts ?" qui fait un excellent état des lieux de la situation avec une objectivité remarquable et bien agréable).
Dans la réalité des faits, et tels que ça commence enfin à apparaître dans la littérature, les Guerres de Vendée sont en fait x périodes bien loin des clichés soulevés dans nombre d'écritures :
- un
soulèvement populaire qui commence sérieusement en mars 1793 et qui s'élève contre une mobilisation de 300.000 hommes (je reviendrais sur le problème des prêtres réfractaires à la fin). Or (1) cette levée n'est pas comprise - pourquoi aller se battre contre un ennemi qu'on n'imagine même pas et surtout (2) le tirage au sort (et son inégalité du fait qu'il exclut un certain nombre de personnes, notamment les nouveaux notables) ne fait que renforcer le sentiment que les privilèges ne sont pas tombés mais qu'ils ont juste changé de mains. Il s'en suit une révolte à la croissance exponentielle contre cette nouvelle administration compliquée, injuste et qui semble bien plus éloignée des préoccupations d'un peuple qui est aussi en pleine crise sociale et économique. Le fait de se trouver face à des armées républicaines amateurs va faciliter un temps les succès des vendéens, jusqu'à ce qu'ils rencontrent des armées de métier (comme les Mayençais menés par Kleber). Ce "premier soulèvement populaire" va se terminer par les massacres des vendéens à Savenay au retour de la Virée de Galerne fin 1793.
- pendant ce temps-là, ça bougeait également pas mal du côté de Paris et à la Convention. Un certain Robespierre et ses amis avaient bien besoin de quelques alibis pour prendre la main sur des modérés qu'il fallait évincer et des puissances étrangères qui voulaient protéger le pouvoir en place (toute ressemblance avec des situations contemporaines n'est que pure coïncidence)
. L'occasion était trop belle et le bouc émissaire tout trouvé. Comme le souligne notre cher Jean-Jacques Rousseau dans son Contrat social, pour faire l'Homme Nouveau il faut tuer l'ancien. Parfait, le Vendée représente parfaitement cet homme ancien (puisqu'il est attaché à son curé et aux nobles, et au Roi). Il faut donc l'éradiquer. Cela fera un exemple pour les modérés en France (la Révolution n'aime pas l'eau tiède) et puis ça servira aussi d'exemple pour les ennemis de l’extérieur en leur montrant ce qu'on sait faire quand il faut faire mal (genre essai nucléaire pour montrer ce qu'on sait faire de vilain). S'en suit non seulement tout une série de discours, mais aussi des lois (à partir d'août 1793) et des moyens pour appliquer ces lois (notamment les Colonnes Infernales proposées par Turreau). C'est ce que l'on appelle à très juste titre
la Terreur. Il s'en suit une série de massacres qui ne différenciera personne, ni les pro ni les contre. Le seul fait de résider sur ce territoire que l'Etat veut nettoyer suffira. Cela va provoquer bien évidemment des réactions de défense de type guerilla dont les motivations seront bien loins des premières de mars 1793. Il s'agit juste de survivre. Cela prendra fin avec la mort de Robespierre mi 1794.
- le pouvoir en place va alors comprendre que ça ne sert à rien et qu'il faut rétropédaler. Il faut remettre en place la structure sociale, pardonner ceux qui voudront bien déposer les armes (mais pas pour autant dire pardon pour les exactions commises, on - les vendéens - attend encore). C'est là que Hoche rentre en jeu. Il s'en suit le Traité de Paix de la Jaunaye en 1795, bien accepté par une population ravagée et fatiguée. Mais c'est un peu un marché de dupes (comme souvent). Pour le coup, les anglais et les nobles émigrés commencent seulement à se dire que peut-être ils pourraient venir combattre aux côtés de ces bons vendéens qui viennent de se faire massacrer. Alors ils envoient de l'argent, des armes et des titres ronflants pour ces braves gens. C'est là que Charette reprend du poil de la bête et donc les armes. Mais les anglais, et le frère de Louis XVI, n'en feront rien (surtout après le massacre des leurs à Quiberon montrant que ce ne serait pas facile pour eux). Le Directoire (successeur de la Convention) souhaite
pacifier. La première Guerre de Vendée s'arrêtera avec l'arrestation de Charette début 1796.
Quant à l'image du pieux vendéen qui se bat pour son noble et son curé, l'analyse des faits et des sources tend à relativiser l'image. Les vendéens ont été des partisans de la Révolution et on constate même certains mécontentement avant 1793 contre quelques nobles qui préféraient d'ailleurs le Cour à leur terre poitevine. Ils ont bien participé aux cahiers de doléances. Quant au côté pieux, une fine analyse des registres pour regarder par exemple les naissances ayant lieu moins de neuf mois après les mariages, ou les noces ayant lieues dans des périodes "proscrites" par l'église montre que l'on avait ici les même "légèretés" qu'ailleurs. Par contre, le curé était un pilier social des petites communautés villageoise, il servait d'assistance sociale, d'instituteur, etc. Alors le virer systématiquement au profit d'un curé fonctionnaire n'est évidemment pas bien passé. Quant aux nobles, il pouvait certes y avoir une proximité, mais c'est surtout une personne qui a à la fois de l'instruction et souvent une expérience militaire. Ce qui est pratique quand on doit se battre contre des "CRS" de l'époque, puis contre des militaires.
Désolé, j'ai craqué !!! Mais je pense qu'un tout petit résumé pédagogique pouvait être utile au débat. D'aucun manqueront à le trouver sans doute trop simple, si ce n'est simpliste, ou alors trop long et pénible. Mais je pense qu'il est le reflet de ce vers quoi on tend de manière relativement consensuelle auprès des historiens de cette période. Et il ne rend que plus archaïque certains discours d'un autre temps. Le fait que certaines archives s'ouvrent enfin au public, que leur numérisation les rendent encore plus accessibles, que l'on associe ENFIN d'autres matières comme la psychologie sociale, la démographie historique, etc. permet aussi d'avoir un regard nouveau et bien plus objectif sur le sujet. On s'éloigne enfin du romantisme et de la passion pour s'attacher à des données objectives (on commence d'ailleurs à s'apercevoir que certains ouvrages dits de références comme les Savary et consorts sont aussi emprunts de malfaçons historiques et contenaient déjà des biais sérieux). Je ne peux ici que saluer Alain Gérard, ses confrères et le Centre de Recherche Vendéenne qui a initié le mouvement à un niveau universitaire il y a près de 20 ans.