par Fontore » 12 Janvier 2014, 10:05
LE RÊVE
[font=Times New Roman]
-Ce soir je n’irai pas dormir, je resterai éveillé le vieux château dans son dernier souffle qui râle encore. Seul avec mon paroissien, déjà je pars en procession de souvenirs, comme ces moineaux de muraille qui tourne au-dessus des ruines en rasant les tentures brulées ; cherchant dans la braise leurs nids et leurs petits. Et je tourne les pages, et la tête me tourne, pleine d’images. Images de baptêmes, images de missions. Oui, je les vois bien tous autour de lui. Le pèlerinage à Saint-Laurent. Le tombeau du bien heureux Montfort. Et lui, mon père, dans sa voix de bucheron hargneux qui entonne le Te Deum derrière le grand vitrail…
Te Deum laudamus: te Dominum confitemur.
Te aeternum Patrem omnis terra veneratur.
-Vitrail de paix, avec des rameaux bénis. Des sourires d’enfants accordés à la lumière du jour. Vitrail de haine. Images de plomb et de feu dans la pénombre de la grande salle, où même les pipeaux ont la voix brisée dans leurs cauchemars.
-Jacques tu sais, la petite fille qui faisait ses gammes au château. Elle est devenue tambour dans l’armée de D’Elbée.
-Jacques arrête de rêver, ça sert à quoi de mendier tes souvenirs. Elle est partie la petite fille auprès des Ouches qui est devenue tambour.
-Qu’est-ce que tu as fait de l’assiette en étain où le curée de Lumon avait gravé son acte de baptême. Tu te souviens de cette assiette ? Tu l’enterrais dans le pré des Ouches chaque fois que les Bleus nous faisaient visite.
-Laisse l’assiette en étain et tes images d’enfant.
-Dors mon fils, dors, dors debout dans tes songeries.
-Laisse la petite fille qui étais tambour dans l’armée de D’Elbée. Laisse ton grand chien, et laisse ta maison…
[font=Trebuchet MS]LA PETITE FILLE AU TAMBOUR
[/font][/font]
[center]Les Croix[/center]
[center]
Croix de pierre aux virés des chemins
Croix du petit enfant fauché dans sa tendre fragilité
Croix des milliers de bleus et des milliers de blancs
Que la mort a réconcilié à jamais.
Croix manquante des corps restés sans sépulture.
Croix de sueur et croix de sang. Croix grelottante de l’oubli.[/center]
[font=Times New Roman]
-Jacques Maupillier est mort ce matin, de très bonne heure. Voilà, j’ai tout perdu, mon père, ma mère, et mon grand frère. Malgré tout le pays des Alouettes va réapprendre à vivre. Les cœurs sont lourds encore, et la terre en friche se refuse. Les premiers pas se brisent sur les souvenirs de guerre et puis la terre se met par s’ouvrir. Nous allons vivre ! Comme notre père nous l’a demandé.
-A mes enfants, je laisse mon sabot à musique désaccordé, et mon vieux paroissien à moitié brûlé. Les cloches vont revenir, et nous les fils Maupillier nous allons retourner aux champs.
A mes enfants je laisse aussi mon vieil attelage, mes bœufs fidèles avec les noms de labour. Je veux que mes enfants les appellent désormais du nom de mes blessures, Mortagne, Cholet. Les charrues changent de mains et les bœufs changent de nom. L’hiver brûle les mains des femmes sur le chemin du marché de Treize-Vents. Il est très tôt. Je pars avec mon falot j’ai dix kilomètres à faire. Les paniers sont bourrés de volaille. La journée sera longue, la nuit aussi.
Ce soir, après le marché à Treize-Vents, on dansera la guimbarde et la brioche.
-Certains soirs, le Puy du Fou est comme un immense éclat de rire. Et les bœufs reprennent des noms de fantaisies. Plus tard, bien plus tard, les bœufs de Maupillier changeront encore de nom. On les appellera… Verdun !
[font=Trebuchet MS]
MARCHE[/font][/font]
Pour celui avant le Marché c'est la version avant la modification de 2012.